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PUBLIÉ PAR CHARPENTIER, ÉDITEUR
AVEC LK CONCOURS DKS PRINCIPADX ÉCRIVAINS
TOME NEUVIÈME
PARIS
CHARPENTIER, LIBRAIRE-ÉDITEUR
S8, QUAI DE L'ÉCOLE
1860
RéterTC de tous droite
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M. ET MADAME FERNEL'
PAR M. LOUIS ULBAGH
SIXIÈME PARTIE.
XX
Quand le docteur Bourgoin et Jules Regnault parurent dans le salon de madame Fernel,^ M. de Preize, attendu ayec anxiété, n*aTait pas encore fait son entrée. Ce Parisien classique calculait ses effets et donnait à ses démarches la solennité d'un dénoûment.
Adèle n'éprouTa aucun embarras à sourire aux nouveaux Tenus. EUe rachetait par son attitude les duretés de sa réponse , beaucoup mieux que si elle s'en fût expliquée avec le journaliste. Sa colère du matin n'avait été qu'un accès de sa coquetterie ou de sa vanité. A moins de la supposer sans âme et sans esprit , on ne> pouvait admettre qu'elfe fût assez maltresse d'elle-même pour accueillir œ souriant un prétendant dont elle eût soupçonné les vues intéressées , et suspecté l'honneur. Jules, de son c&té, était trop fin, et trop fier de la perspec- tive d'une lutte, pour avoir le mauvais goût de bouder. Il sembla que rien de grave ne s'était passé entre eux. Babel , qui était venu pour jouir de son œuvre, n'y comprenait rien et se sentait furieux.
Laure était sérieusement heureuse. Elle avait eu si peur de voir échouer son grand projet, que l'espoir, en renûssant tout à coup, lui donnait des joies presque égales à celles du triomphe. Sa toilette était en progrès sur celle de la veille. Elle avait compris que la pré- sence de M. de Preize serait pour madame de Soligny l'occasion de nouveaux exploits , et elle était fermement résolue à combattre intré-
1. Voir les 28«, 29«, 30% 31* et 32* liyraisons. •
K
6 M. ET MADAME FERNEL.
pidement pour la paix de son cœur et pour la conquête de son mari.
Le Parisien , arrivé en toute hâte pour mettre le désordre , pour brouiller leB cémlinaisbiis / àvâiC pt'éciléÉienf ju6fti*]ci, paeria seule menace de son apparition, modéré les ressentiments et tendu plus nettes , plus actives , les combinaisons stratégiques de chacun de ces conspirateurs.
Madame de Soligny avait un prétexte pour rester, pour continuer ce jeu terrible et charmant dont M. Bourgoin lui avait si brutale- ment, si prosaïquement, demandé le terme. Laure, qui ne doutait pas de la supériorité de Jules Regnault sur tous les élégants de Paris, voyait dans l'intervention de M. de Preize une circonstance favorable et une chance d'en finir avec les hésitations , avec les manœuvres de son amie. M. kernel liaïssait moins Regnault; il se sentait presque disposé à le plaindre, depuis qu'il prévoyait pour son rival une autre rivalité plus dangereuse que la sienne. Le docteur Bourgoin était ravi, pour des raisons analogues à celles de madame Femel. Jules ne pouvait souhaiter lia défi plus hoûorable. Quant aux personnages SÈooûâaif^^ Babel et Gavalkr, ils dopiandaîent naïvement que M. àê Ptfixe(ùki le f^u» beau, le plus sfûritiiel, le plus élégant des hommesi et ils étaient disposés à tomber en admiration devant sa mise et à ae pâmer à ses moindres mots.
L'enocibs brultô donc des deux cotes de la rouie que le diet superbe, invoqué par toiis les machinistes éù cette intrigue, devait prendre; mais sa visite anneooée se faisait attendre.
Enfin, à une Iraure fort avancée de la soirée, qoand oo eMuHMh giit à désespérer, un coup «de sonnette que tout le monde enleniit fit passer une rougeur âectriqnesor tous les visages, et quelques instants après que la grosse porte se fèt refermée, M. le préfet et M« de Preiee étaient annoncés. M. et madame Femel s'avancèrent au-devuU des visiteurs, l'ancien notaire balbutiant, sans y songer, des com*- pliments auxquels le Parisien r^f>oadit de confiance, sans ks avoir entendus, Laure se bornant à une révérence et à un soiarire qui frap- pèrent tout d'aiMMrd d'étenneraent M. de Preiae. Ce demior s'était i&it, d'u^tès les lettres de madame de Soligny, une tout autre idée de madame Femel , et il se demanda ^ que devaient être ks grandes axju^tes de j^rovinoe , si ks dévotes avaient ce regard, cette beauté^ i»tte toilette.
Adèle portait dans les cheveux un simple ruban qui semblait étin- celer comme un diadème, tant k feu de ses pruneUes et k spkndeur
M. ET MADAITE f ERNËL f
de «m sourire embrasaient Tair autour de sod Visage» Elle tendit la^ main à M« de Preise , comme si elle l'eût vu la Teille.
— Vous n'avez pas de pistolets à la ceinture? lui dit-elle en riant.
— Fi donc ! répondit-il ; vous me prenez pour un Barbe-Bleue ! *^ Oh 1 non, INea m'en garde I répliqua Adèle en se moquant. Je
vous prendrais plutôt pour Matbrai^ I Vous êtes parti en guerre , sans savoir comment vous reviendrez , et voilà M. le préfet qui porte votre graod sabre.
— Je vois que la province ne vous a pas pervertie; vous êtes tou«» jours Parisiaine, madame, et vous ne pouvez aimer que Paris« -
— Et les Parisiens par-dessus le marché, n'est-^ce pas?
M. de Preîze s'ioclii», en ratifiant l'épigramme qui établissait ses prétentions , et il laissa le p^fet déposer ses hommages aux pieds de madame de Soligny. Lui, poidant ce temps-là, priait madame Fernel de le présenter à ses amis et saluait avec une aisanœ parfaite , avec la familiarité élégante d*un honuone du monde qui se croit égal à toutes les vanités, et qui. élève à lui, sans effort, toutes les préten-* tiens, tous les habitués de la rue du Glottre.
^-<* Voici un vieil ami de la famille, et, je vous en préviens, moiH sieur, un nouvel ami de madame de Soligny, dilLaure en lui dési-^ gnant le médecin : M* le docteur Bourgoinl
Les deux hommes s'inclinèrent; mais M. de Preize fut intimidé par le regard observateur et ironique du médecin. Quant à ce der- nier, il étudiait M. de Preize et ne voulait pas l'attaquer trop MAj Bsdoutant, avec la conscience de sa force, les coups inufiles éi les vic- toires superflues.
M. Fernel avait laissé à sa femme le soin de présenter M. Bour- goia; il se chargea bravement de présenter Jules Begnault»
— Je connais Monsieur, dit le Parisien, qui, pour la première fois,, lutta percer un peu de dédain.
— Je ne crois pas , répliqua simplement, mais avec fermeté , le journaliste.
— C'est trop de modestie de votre part, reprit M. de Preîze avec le même accent moqueur.
— Je ne suis pas modeste, monsieur, au contraire; c'est par orgueil qneje dis cela.
M. de Preize vit dans les yeux de Regnault que celui-ci ne deman* dait qu'une occasion d'entamer la lutte, le duel ; mais il n'était pas venu seulement pour fournir à]|un soupirant de province davantage
s M. ET MADAME FERNEL:
de se mesurer avec lui. Il passa devant Jules et revint, après quelques paroles échangées avec ses hôtes, à la place occupée par madame de Soligny et gardée, comme par un écuyer d'honneur, par M. le préfet de FAube.
Chacun avût compris la nécessité d*un tête-À-tête entre les deux Parisiens; on eut la discrétion de les laisser quelques instants s'entre, tenir à voix basse, moins peut-être par déférence que par curiosité. Pour que la comédie fût complète, il fallait bien que ces deux person- nages essentiels jouassent leur rôlCé
— J'ai une grâce à vous demander, dit madame de Soligny en commençant le feu.
— Si c*est la vôtre, madame, ne l'espérez pas,[répliqua galamment M. de Preize, je suis décidé à être impitoyable.
— En vérité! comment ferez-vous donc?... Mais il ne s'agit pas de moi. J'ai pitié de votre pauvre ami le préfet.
— De lui? Serait-il donc un des enchanteurs auxquels je viens vous arracher? Il serait doublement traître, alors.
— Non, rassurez-vous : votre ami s'est acquitté de sa surveillance avec toute l'exactitude désirable; mais j'ai peur que vous ne le ren- diez responsable de l'inutilité de votre voyage. Ne le desservez pas auprès du ministre, parce qu'il vous aura fiedt faire soixante lieues pour boire le thé de madame Femel.
Adèle riait; H. de Preize se mit à l'unisson de cette gaieté sarcas- tique.
—Mon ami est tout pardonné, reprit-il, quoi qu'il arrive. Il a cru bien faire et il a bien fait, en effet. Il m'a averti à temps ; je devenais ridicule à Paris !
— Et c'est pour changer que vous avez fait le voyage? demanda madame de Soligny.
— Sans doute. Je suis ridicule d'espérer; je ne serai plus que mal- heureux en n'espérant pas.
— Oh ! comme vous êtes devenu sentimental !
— C'est depuis que je suis arrivé, depuis surtout que je suis dans cette maison.
— Ainsi, vous venez me chercher? demanda Adèle.
— Non, madame ; je viens seulement remplacer par deux mots de causerie notre correspondance interrompue.
—A la bonne heure I moi qui craignais de courir la chance d'un enlèvemrat I
M. ET MADAME FERNEL. 9
— Fi donc! les chemins de fer s*y refusent. Je suis venu, au contraire, madame, tous aider à trouver des prétextes pour prolonger Totre séjour, et si, en tous déclarant que je ne reconnais d'autres droits à mon amour que ceux que vous voudrez lui accorder désormais, je mets votre conscience à Taise; je vous rends ioute la liberté dont vous avez besoin; j'aurai rempli un devoir d'honnête homme, mon ami aura rempli un devoir de bonne amitié... et mon voyage n'aura pas été inutile.
— Il y a bien de la &tuité dans votre soumissicm, mon cher ami!
— Ck>mment?
— Vous me rendez ma liberté ! l'avais-je perdue? Vous ne voulez plus d'autres droits que ceux que vous obtiendrez désormais ! quand donc vous en ai-je accordé ou ofiert? Que vous soyez un honnête homme, je n'en doute pas, et il était inutile de faire soixante lieues pour une démonstration superflue.
Adèle, sans quitter le ton railleur qu'elle avait adopté en commen- çant, laissait deviner du dépit et de la fierté. Elle eût peut-être tendu la main, pour ne plus la retirer, au soupirant qui fût accouru de Paris, naïvement alarmé et sérieusement ému. Mais ce persiflage, en Tencourageant dans sa coquetterie, attestait un sang-froid et une habileté incompatibles avec la passion. ËUe regarda par un coup d'œU rapide Jules Regnault qui causait avec le docteur Bourgoin, et elle se demanda si celui-là, qui avait au moins autant d'esprit que le Parisien, s'y serait pris de la même façon, et eût voulu la ramener en se mo- quant d'elle.
M. de Preize ne s'aperçut pas qu'il avait fait fausse route. Il était de ces diplomates de second ordre qui mettent encore l'habileté dans la dissimulation et qui ne savent pas que la franchise et l'audace sont souvent les ruses les plus adroites. En amour, la seule diplomatie su- périeure et infaillible, c'est l'amour. M. de Preize, en se vantant d'une générosité qu'on ne lui demandait pas et qui pouvait d'ailleurs agir à distance, mettait madame de Soligny dans son tort et s'attribuait un rôle qui, n'étant pas sérieusement héroïque, devenait une prétention pour lui et une sorte d'injure pour elle. Un esclandre l'eût peut-être mieux servi que cette afiabilité de bonne compagnie et que ces ma- nières de parfait gentilhomme. Madame de Soligny était blasée sur les égards ; elle ne l'était pas sur une certaine brutalité, qui flatte avant de blesser.
fO M« ET MADAME FERNEL.
Adèle trouva &t. de Prehe maladroit, et Ait presque humîfiéede cette maladbresse, comme si elle se sentait responsable des hisptratioiis médiocresqa*elle suggérait. Quant àliii, après quelquesmotséchangéflr sur le même ton, il craignit de se donner en spectacle et Touhit paraître certain du succès de son voyage, en n'insistant pas publiquement pour le faire réussir. Il se rapprocha de madame Femel, lui adressa quel-^ ques compliments, et se laissa peu à peu entraîner dans une conver-* sation à laquelle chacun s'empressa de prendre part, pour mieux dis- simuler son émotion. * '
Madame de Soligny, toutefois , avec une réserve un peu hautaine, avec une nonchalance qui ne lui était pas habituelle, s'accouck à son fauteuil, parut écouter et s^abstint de se mêler à Tentretien général. On eût dit qu'elle assistait à un spectacle donné pour elle. Son regard allait tour à tour de M. de Preize à Jules Regnault, de madame Fer- nel au docteur Bourgoin, et de M. Femel à M. Babel ; elle se savait observée, étudiée, menacée par tous ces gens-là, et elle prenait plaieîr à opposer le mystère d*un sourire muet à toutes ces curiodtés intéressées.
Laure, au contraire, s'acquittait de ses devoirs d'hospitalité avec grâce, avec effusion. Elle questionna M. de Preize sur les bruits de la p(4itique, sur les nouvelles des arts; elle parut au courant èa der^ niers succès, c'est-à-dire des derniers scandales littéraires. Elle était s^ heureuse d'avoir dans son salon tous ceux qu'elle voulait faire oon^ courir à l'adièvement de son }dan, qu'elle témoignait sa joie par dea regards caressants dont elle ne savait pas encore modérer la flamme^ et que le Parisien^ qui n'avait pas vu les réunions de la chambre à coucher,, la longue robe neire, la t<»lette janséniste des jours précé- dais, se demandait comment cette belle femme, à l'esprit ingénieux^ &ite pour inspirer l'amour, se réégnait à la province et à son mari- M. de Preiase n'avait devant lui qu'une madame Fernel élégante^ qu'une Parisienne, avec ce charme particulier, avec cet émail, si j*09e ainsi dire, qu'ajoutent à la beauté, la timidité, l'ingénuité de h pro- vince. La pensée de la lessive, des raoommodages, des grandes oonspi-^ rations culinaires, ne pouvait pas ternir dans l'imagination du nouveau venu l'image po^ique qui s'y présentait; puisqu'il est convenu que la poésie est l'ab^noe et le néant des quaiitâi positives, et qu'une mère de famille est d'autant plus idéale qu'elle n'éveille aucune des vertus nécessaires à l'ordre et à la prospérité de la femille. M. de Preize était un connaisseur ; il n'avait pas le j ugement embarrassé par des prévea*
Jlf. ET MADAME PERKE L. Il
tiens; i> n'avait pas assisté à h soirée de la préfecture, et il ignorait Fefibrt de Tolaoté de madame Fernisl pour atteindre à ce diapazof» de FélégaBce parisienne; il foi ébloui. .
— Parblea I se ditrii, ayec la conscience de son infeilIibiKté, ma-^ dame de Soligny m*avait dépeint son amie comme die routait qae je la troiiYasse; la Parisienne ayait peur de la provinciale*
Et tout en causant avee Lanre^ qui s'étudiait à se transformer de mieux en mieux. H, de Prdze plaignait tout bas ces ignorants IVoyens, inhabiles à apprécier la beauté et dédaignant ane merveille: qtti leur était familière, pour s'extasier devaot une jolie femme dont te premier mérite était de leur être étrangère.
•^ Ce journaliste est un sot, peDsail*il, de me disputer madame de ScAigny^ quand il voit tous les jours une femme que jeJui disputerais bieiL... , si je venais ici pour cela.
L'amour de M« de Preixe, on le voit, n'avait rien d'exclusif, et Adèle» était dans la vérité en ne redoutant pas ses exigences. Quant à M. dé Preize kanoième, j'ad laisse croire qu'il avait de l'esprit, et j'ai prouvé qu'il était nndadfoft. Je tiens à démontrer que ces deux propositio&9 sont conciliables.
M. GlMurles de Preixe comptait tout bas plus de quarante ans; mai» il avait confit son âge dans tant de petits soins, qu'il pouvait bien ne paraître âgé que de trente-doq ans. U était assez grand, bien faôtet doué d'une de ces physionomies commodes qui laissent le champ tibte à -toutes les suppositions honorables, parœ qu'elles n'affirment rien, physionomies d'hommes k bonnes fèrtunes et de diploipate». Des favoris,.dont la nuance allait commencer à dépendre de la mode et de la vertu de certaines préparations, oKadraient, sans les envahir, de b^fes joues qui n'étaient point creuses et rejoignaient des cheveux bruns légèrement frisés, mais dont la raie se faisait déjà près de l'ordUe, pour mieux dissimuler les éclaircies du sommet. Des yeux bleus, qui semblaient briller, eomme des phares incessamment allu^ mes par la politesse et la courtoisie, répandaient un air de Uenveâ^ lanœ sur cette figure ménagée par le travail et que la pensée n'avait Jamais, altérée. La bouche, birâ dessinée, mats souriant avec une lEKilité abusive, feisait suspecter sa modestie et trahissait une satis^ tetion, un contentement àe soi-même, à peine contenus par les inages et par les oomplaisanoes sociales^ La boudie de M. de Preize était mu ennemie; non pas qu'elle lui aerftt à dire des choses mataviaéescu dioquantes, mais parce qu'elle paraissait si ûère des choses ooirvena*
i2 M. ET MADAME FERNEL.
blesqu*elle débitait, et si fière surtout des autres belles choses qu'elle ne disait pas, qu'on ne pouvait s'empêcher de lui en Touloir de son orgueil et de sa discrétion. Le sourire permanent de ces lèvres pré^ cieuses n'empêchait pas d'ailleurs la figure de conserver une sérénité , j'allais presque dire, une gravité officielle.
C'est là le caractère de certains visages que leurs diverses parties jouent chacune un rôle particulier, et que la bouche peut sourire sans que les yeux s'en émeuvent, sans que les muscles des joues en tres- saillent. Le sourire alors est l'exécution d'une consigne donnée à la bouche, de même que les yeux ont la leur, dont ils ne se départent pas.* Dans les maisons bien tenues, chaque domestique a ses attri- butions ; dans un visage comme il faut, chaque partie a son devoir, n n'y a que les visages de rien (et les visages d'artistes sont de ceux-là) qui participent par tous leurs traits à une seule émotion et qui rient ou qui pleurent tout entiers. M. de Preize n'était pas un artiste; c'é- tait un cavalier accompli, un homme du monde, charmant, qui avait eu des duels pour des motifs galants, qui n'en avait jamais eu pour des querelles de jeu. Diplomate dans ses plaisirs, il s'était convenable- ment ruiné, avec économie ; et la main de madame de Soligny lui était apparue au moment opportun, comme un signe indicateur de la route à suivre pour atteindre au repos, à la retraite honorable et décente d'un conquérant qui se fait colon. La belle fortune d'Adèle n'avait pas été seul le motif du choix de M. de Preize, mais elle ne lui avait pas non plus donné de scrupules, et en cherchant un cœur pour lui faire hommage du sien, il n'avait pas été fâché de rencontrer la richesse avec lui.
Tel était au physique et au moral M. Charles de Preize, qui signait souvent C. de Preize, d'où venait naturellement pour ses fournis- seurs le prétexte de l'appeler comte de Preize. Après tout, il l'était peutrêtre, la question n'ayant jamais été discutée, et son droit à la particule n'ayant jamais été vérifié, de façon à autoriser un démenti.
Quoi qu'il en fût, noble ou non, M. de Preize était gentilhomme, comme tout le monde l'est à Paris... dans une certain monde. Loyal dans sa parole, n'ayant jamais trahi que des femmes, ce qui ajoute à l'honneur, au lieu de rien lui enlever, mais ayant adouci ses trahisons par des formules courtoises qui embaumaient les plaies, brave et beau diseur, M. de Preize passait aussi pour un homme d*esprit, ce qui était bien superflu. L'esprit, toutefois, depuis qu'on a perdu le secret
IL ET MADAME FERNEL. . j3
de Yollaire, admet tant de yariétés et tant de nuances, que M. de Preize pouvait être un homme d'esprit, au taux du jour, sans que cela fit tort au crédit des imbéciles. L'esprit de M. de Preize n'était pas celui qui invente, qui sait créer des rapports inattendus entre des choses bien diverses; c'était un esprit de tact, d'à-propos, de con* venance, qui ménage une retraite dans les situations difficiles et qui permet de corriger adroitement les fautes qu'on a commises par maladresse. Yoilà pourquoi ce Parisien pouvait se tromper dans ses petits calculs et sauvait toujours sa vanité, quand il l'avait compro* mise. On ne s'étonnera donc pas de ses fausses manœuvres ni de ses vives reparties, et l'on comprendra qu'il pouvait être tout ensemble capable de finesse et coupable de sottise.
Pendant que M. de Preiee rendait madame Femel toute confuse des compliments qu'il lui adressait avec une chaleur de conviction à moitié feinte; et pendant que M. le préfet s'entretenait avec les hommes considérables comme MM. Babel et Cavalier , Jules Regnault isolé, abandonné dans un coin du salon, jugeait M. de Preize. Il n'é* tait pas découragé par les prétentions de ce parfait gentilhomme sur le cœur et la main de madame de Soligny : il se rendait à lui-même celte justice qu'avec de la persévérance et de la fierté, il pouvait lutter sans désavantage contre cet invincible; mais l'empressement du Pari- sien pour madame Femel le blessait comme un sacrilège. II n'était pas jaloux, il se sentait indigné. Ce n'était plus son amour, c'était sa rdigion, son rêve qui souffrait. H lui semblait que M. de Preize se penchait avec trop de familiarité sur le fauteuil de Laure; il crut remarquer un symptôme d'effroi, une sorte d'invocation à l'amitié dans une ombre qui s'étendit tout à coup sur le beau visage de madame Femel et dans un regard éploré qu'elle tourna vers lui. Le sang bouillonnait dans les veines de Regnault, et il eût été ravi que le pré* tendant de madame de Soligny se laissât aller à quelque velléité d^in^ solence à son égard; il se fût battu volontiers ppur la provinciale, an nom de la Parisienne.
M. Femel paraissait fort éloigné de ces pensées désobligeantes à l'égard de son hôte. Il souriait et montrait une belle humeur devenue bien rare depuis huit jours. Heureux de voir les prétentions de Jules ienues en échec par celles de M. de Preize, flatté dans sa vanité de l'attention que cet élégant Parisien voulait bien accorder à sa femme, il admirait la coquetterie de madame de Soligny et rendait justice aa bon goût de Laure.
lé * M. ET MADAME FERNEL.
' ">-- Je savais bien^ se disait-il, qa'dle n'avait qu'à vouloir pour être spirituelle*
Cet excellent mari se fiiisait naïvement illusion, et, sans se douter 4e la bigamie dont son enthousiasme le rendait coupable , il eût voulu embrasser sa femme et tomber aux pieds de la Parisienne. Son coBur était partagé comme celui de Jules Regnault, mais ne souffrait pas du partage : sa conscience s'apaisait, et il se donnait le droit d'être in- fidèle, en trouvant des raisons d'admirer Laure.
Le docteur Bourgoin s'était séparé du groupe formé par le préfet et par les deux actionnaires de F Étoile de FAube^ et s'était approché 4e madame de Soligny.
— Vous êtes bien heureuse, lui dit-il à voix basse.
— Peut-être ! répondit la Parisienne, qui redoutât les railleries du médecin.
— C'est un bonheur, en tout cas, qui vous coûtera des larmes^ reprit le docteur, en s'asseyant à côté d'Adèle.
— Vous croyez?
— J'en suis sûr (et la voix de M. Bourgoin devenait grave, presque paternelle). On ne joue pas impunément avec l'amour-propre d'un beau cavalier, comme M. de Preize, avec l'amour d'un honnête homme comme Jules Regnault, quand on est une honnête femme. Tous auriez mieux fait de partir ce soir pour Paris.
— Eh bien! je partirai demain, si le jeu m'ennuie.
— D^oaain, il sera trop tard ; ii tous restera le souvenir de ces deux yeux qui cherchent à troubler la sérénité de votre amie, et de ces deux autres yeux qui vous regardent avec un reproche navrant Ah I madame, ayez un bon mouvement, rétractez bien vite les vilaines paroles que vous m'avez dites ce matin. Une jolie femme qui n'aurait que de l'esprit ne pourrait plus hésiter déjà ; une femme qui a du tcoeur doit se hâter de conclure.
— Oh! vous êtes pressant, mon cher docteur! Ne dirait-on pas .•que je vais causer la mort de quelqu'un?
! — • n y a i^usieurs façons de tuer, chère madame. Je les connais (toutes, moi, en qualité de médecin. Je.nn crains pas pour M. de i^reize; il vivra longtemps : il a le secret d'être jeune jusqu'au bouL JAais mon protégé, mais ce caractère que vous avez froissé, que vous avez d^é, et qui ne se consolera pas. . .
— Le pensez- vous? demanda Adèle avec un peu d'ironie. Com'»
Jtf. ET MADAME PERNEL. i5
ment ayes-Tous raûoaté à voke ami nplre eotrevue de oe matin?
— Cela YOtts intéfesae ? —-Un peu.
«— £h bien ! je ne lui aï pas répété tout ee que tous m'anez dit; je lui ai déclaré la vérité, que j'avais devinée.
— Ah ! ainsi, moi, j'avais menti I
— En lai annonçant que vous refusiez sa main, je lui ai annoncé que vous Taimiez.
— Docteur!
— Allais-je donc me borner à lui faire comprendre que sa pau- vreté était un crime, que sa mère était un obstacle, que son amour vous humiliait !
— Mais, docteur, je ne vous avais pas dit un mot de tout cela !
— Vous m'aviez dit que sa sincérité vous était suspecte, que vous étiez trop riche pour croire au désintéresseihent J'ai traduit un peu librement et j'ai conclu en ajoutant : ce On vous aime^ mais on a de l'orgueil. Continuez à aimer et ne fléchissez pas : montrez que la pauvreté ne vous fait pas peur ! » Âh I si vous Taviez vii, madame! je suis convaincu que ces petites mains dédaigneuses se fussent jointes d'émotion, d'adoration. Il n'a pas eu de ces fureurs sentimentales qui ne prouvent rien : il a agi en homme. D'un trait de plume, il a rompu le lien qui l'enchaînait aux imbéciles que vous voyez là-bas, et à ce préfet qui le torturait, pour plaire à votre soupirant. Vous le trouviez pauvre hier, il l'est davantage aujourd'hui : il n'a plus de journal, plus de position. S'il vous plait de prolonger votre séjour à Troyes, sa présence ne vous sera plus importune. Il est contraint d'aller à Paris pour gagner sa vie; chaque jour de retard lui coûtera, à lui et à sa vieille mère, un morceau de pain.
— Ah! docteur, c'est odieux ce que vous avez fait' là, s'écria madanle de Soligny en pâlissant.
— Moi! je n'ai rien fait! Tant pis pour lui qui s'avise de vous aimer I Tant pis pour vous qui voulez le mettre à l'épreuve !
«— Vous êtes brutal^ monsieur Bourgoin*
-*- Oui , madame , oomme un chirui^en. Votre scepticisme ne veut pas croire à la sincérité d'un honnête garçon ; il faut bien que je vous donne des preuves. Vous répugnez à certaines mesquineries matérielles; vous n'en aurez plus peur, quand vous les aurez envisagées nj&ttement* Si vous craignez que celui qui vous aime
16 M. ET MADAME FERNEL.
fasse une bonne affaire en tous épousant, ne craignez pas de faire une bonne action en rendant riche celui que vous aimez. Il arrivera peut-être un moment dans la yie de cet homme-là, qui a de Tave- nir, du talent, de l'ambition, où vous rougirez de n'avoir eu que la fortune à lui offrir, en retour de sa gloire.
Le docteur était éloquent, en parlant ainsi, moins par ses paroles, qui avaient un peu d'emphase, que par ses gestes qui étaient expres- sifs et par sa voix qui était émue. Madame de Soligny se sentit étour- die. Certains mots l'avaient blessée; sa délicatesse de Parisienne gardait une atteinte, une meurtrissure de la franchise opiniâtre du médecin. Cette question de pain quotidien si violemment introduite dans le marivaudage de ses sentiments avait une sorte de cynisme sur l'effet duquel précisément le docteur comptait beaucoup. Puis- que l'inégalité des deux positions était un obstacle et le motif d'une défiance, il était bon de réduire la fierté de la Parisienne, d'insister fortement sur ce point douloureux pour en épuiser l'amertume et la douleur, de révolter d'abord la coquetterie pour attendrir ensuite la générosité. Ce fut la pudeur de h, fenune élégante qui parut d'abord.
— Je regrette beaucoup , mon cher docteur, reprit madame de Soligny d'une voix aiguisée par le dépit, que M. Regnault ait sacrifié le présent à des espérances que je n'ai ni directement ni indi- rectement autorisées ; mais je ne peux pourtant pas donner rai- son à sa vanité par charité chrétienne, et l'épouser pour lui rendre une position.
— Vous avouerez toutefois, madame, que si vous l'aimez réelle- ment, son courage n'est pas un obstacle.
— Vous avouerez, à votre tour, mon dier monsieur Bourgoin, que ce courage, comme vous appelez son coup de tête, ne prouve pas absolument son amour. Un homme moins désintéressé ne pourrait- il pas s'y prendre de la même façon ?
— Toujours ce scepticisme ! Incorrigible Parisienne !
— Si nous étions crédules, on nous aimerait sans doute moins. Mais voyez, ajouta Adèle en serrant le bras du docteur, voyez conune il regarde madame Fernel ! Ah ! s'il se ruine pour moi, il se tuerait pour elle !
— A la bonne heure ! repartit le médecin en prenant avec fami- liarité la main de madame de Soligny ; voilà un cri du cœur ! Soyez jalouse, et je vais tomber à vos pieds, pour vous adorer.
M. ET MADAME FERNEL. 17
Madame de Soligny ne répliqua pas ; elle passa la main sur son front, comme si une douleur, une névralgie menaçait de Tattrister ; elle se leva, travers le salon et Tint droit à M. Femel.
— n est conyenable que vous me fassiez un peu la cour, lui dit- elle en souriant, ou sinon je passe aux yeux de tous pour une Ariane abandonnée. Laure tous donne Texemple.
M. Femel rougit, balbutia un compliment de circonstance, nV>sa pas aTouer ce qu'il éprouTait, dans la crainte d*étre accueilli par une moquerie, et se trouTa d*ailleurs débarrassé du souci de donner la réplique par la TiTacité, par la continuité de la couTersation que ma- dame de Soligny entama tout à coup et soutint à elle seule.
M. Bourgoin était enchanté ; cependant il craignit Texcès du him. Il fit un signe à Jules Regnault, qu'il attira dans un coin du salon.
— Nous allons nous en aller, lui dil-il.
— Vous partez, docteur?
— Nous partons, mon ami ; je tous emmène.
— Oh ! moi, docteur, je reste. J'aurais l'air de déserter la bataille. Tous mes ennemis sont là : ce monsieur que je connais maintenant rirait de moi si je fuyais ; je tcux rire de lui.
Jules aTait des éclairs dans les yeux.
— Vous triompherez, au contraire, aTec plus d'esprit et de supé- riorité, reprit le médecin, si tous paraissez conTaincu de la Tictoire et dédaigneux de disputer le' terrain I Votre présence raTit toiites ces âmes médiocres. Votre départ leur causera un désappointement et les rendra ridicules.
— Mais pourtant, docteur, si je me retire, je laisse M. de Preize entre madame de Soligny qu'il fait souffrir et madame Fernel qu'il offense par sa galanterie.
— Croyez-Tous que ce soit lui qui fasse souffrir le plus la Pari- sienne? Quant à madame Fernel, ne craignez rien; on peut l'affliger, mais son âme est au-dessus des offenses Tulgaires.
— N'est-ce pas qu'elle est bien belle?
— Qui? madame de Soligny? Sans doute.
— Vous aTez raison, docteur; il faut partir, car je deriens fou.
— PreuTC éridénte que tous êtes amoureux !
— Amoureux ! répéta Jules aTCc un soupir. Oui ! mais de qui?... Le docteur crut inutile sans doute de répondre à cette question. Il
Toae IX. — 33* Litraisoii. ^
i8 M* ET MADAME FERNBU
attira Juks Regnault vers la porte, et tous deux sortirent sans s'aAnesser nue parole jusqu'à oe qu'ils eussent firanchi le seuil de la maison.
XXI
-7- Vous avez un peu trop boudé madame de Soiigny, dit le méde- cin en frappant doucement [sur Tépaûle de Jules, pendant qu'ils tra*- versaient la place de la Préfecture. Puisqu'elle était dans son tort, il fallait avoir Tair de lui demander pardon : c'est ainsi que les ca- quettes entendent aTouer leurs fautes. Ah ! je fais des progrès dans
la psychologie des femmes Je crois, au surplus, que M. de
Preize a réparé vos erreurs de tactique, et il a été plus maladroit que vous.
— C'est que vous ne savez pas, docteur, tout oe qui se passe en moi ! J'ai enduré ce soir tous les suppUces de la jalousie : ce M. de Preize a une fatuité qui va jusqu'à l'insolence. Âvez-vous vu comme il parlait bas et tout près à madame Fernel?
— Sans doute, je l'ai vu. Fernel aussi l'a vu; mais cette petite manœuvre ne lui a pas réussi.
— C'est vous, docteur, je le comprends, je le sais, qui avez con- seillé madame Fernel; c'est vous qui serez responsable !...
-^ De quoi donc? interrompit brusquement le médecin. Des sou* pirs que vous allez perdre? des tentations que vous allez refouler? Jules, mon enfant, je vous connais et vous n'avez rien à m'avouer. C'est parce que je vous ai vu mal à Taise que je vous ai emmené, et c'est précisément la douleur que vous ressentez qui vous vaut toute mon estime. Si vous n'étiez amoureux que des beaux yeux de la Parisienne, je pourrais croire à votre ambition autant et plus qu'à votre cœur, mais le sentiment pur qui vous trouble est une preuve en faveur de votre âme. Vous êtes un homme digne de ce nom ; il ne vous reste plus qu'à vous contraindre, et qu'à étouffer bravement ces émotions qui seraient un remords et un chagrin irréparable pour madame Fernel.
— Esjrce qu'on peut aimer de deux amours à la fois?
— Tout est possible. Voilà pourquoi il vous est possible d'enfer- mer, d'ensevelir l'admiration pieuse que vous ressentez. Ah ! mon ami, quand les ambitions et l'égmsme des hommes vous auront donné, comme je l'espère, la passion du sacrifice et du dévouement.
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T(i^ verres qu'il est doux d'avoir une joie, un rêve à immoler au devoir I Le beau mérite que celui d'être heureux platement, vulgai- rement ! Je ne tous ferai pas de morale de catéchisme ; si vous étiez un autre homme, et si celle que vous vénérez était une autre femme, parbleu ! je ne me mêlerais de rien. Le bien d'autrui est fait pour être envié ! Mais je veux vous convertir à des opinions qui 'mettent les principes au-dessus des intérêts, et je ne veux pas que la femme la plus pure et la plus grande que j'aie jamais rencontrée puisse être offensée, même à son insu, par votre amour. Je ne vous dis pas de l'oublier, mais je vous dis de la fuir, et surtout de ne rien laisser voir de l'admiration que vous gardez pour elle. Que son souvenir soit en vous comme une vision de la tendresse, de la chasteté, de l'hon- neur et du devoir ! Si vous avez des enfants , souhaitez à votre fille une âme comme la sienne, et à votre fils un amour comme le sien ; mais contentez-vous, pour vous, du bonheur positif et des chances sérieuses que la vie vous offre ! Madame de Soligny ne doit pas souf- frir de votrepiélé pour madame Fernel. Enfermez l'idéal et acceptez avec la franchise d'un homme la réalité qui vous attend. Quel est celui d'entre nous qui n'a pas fait deux parts dans son existence et qui n'a pas un sanctuaire dans sa pensée où il se réfugie à certains moments pour se consoler, pour s'exhorter, pour se juger? Si vous n'aimiez pas madame de Soligny, je me garderais de vous encoura- rager à un mariage qui serait une double trahison ; mais vous l'ai- mez. Eh bien ! aimez-la de toute l'ardeur de votre jeunesse pour la jeunesse et la beauté, et aimez-la aussi (fe tout l'amour que vous lui sacrifiez. Qui sait? ce souvenir que vous garderez se reflétera peut- être en elle et vous portera bonheur !
— Docteur, ce sont là de belles théories , des subtilités ! reprit Jules en secouant la tête.
— Eh bien ! pourquoi ne pas*se soumettre à des théories subtiles, quand on se soumet si